Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais la raison c’est toi ; mais cette raison même,
Qu’était-elle avant l’heure où tu vins l’éclairer ?
Nuage, obscurité, doute, combat, système,
Flambeau que notre orgueil portait pour s’égarer !


Le monde n’était que ténèbres,

Les doctrines sans foi luttaient comme des flots,
Et, trompé, détrompé de leurs clartés funèbres,
L’esprit humain flottait noyé dans ce chaos ;
L’espérance ou la peur, au gré de leurs caprices,
Ravageaient tour à tour et repeuplaient les cieux ;
La fourbe s’engraissait du sang des sacrifices,
Mille dieux attestaient l’ignorance des dieux.

Fouillez les cendres de Palmyre,
Fouillez les limons d’Osiris
Et ces panthéons où respire

L’ombre fétide encor de tous ces dieux proscrits ;

Tirez de la fange ou de l’herbe,

Tirez ces dieux moulés, fondus, taillés, pétris,
Ces monstres mutilés, ces symboles flétris,
Et dites ce qu’était cette raison superbe

Quand elle adorait ces débris !


Ne sachant plus nommer les exploits ou les crimes,
Les noms tombaient du sort comme au hasard jetés ;
La gloire suffisait aux âmes magnanimes,

Et les vertus les plus sublimes
N’étaient que des vices dorés !

Tu parais ! ton verbe vole,
Comme autrefois la parole