Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais quand le saint vieillard, à demi prosterné,
Eut relevé son front vers l’occident tourné,
Et que, prêt à quitter cette porte fatale,
Déjà son pas immense en franchit l’intervalle,
Éloïm s’écria ; sa voix en sourds échos,
À travers les rochers, porta vers eux ces mots :


« Fortunés habitants de ce lieu de délices,
Soit que déjà du ciel vous goûtiez les prémices,
Soit qu’exempts ici-bas de travail et de mort,
Des malheureux humains vous ignoriez le sort ;
Adorez-vous le Christ ? » Au nom par qui tout tremble
La vierge et le vieillard s’inclinèrent ensemble.
Éloïm poursuivit : « Ah ! si vous l’adorez,
Par ses jours et sa mort à tout chrétien sacrés,
Par ce jour qui s’approche, où du haut des nuages
Il viendra réveiller et juger tous les âges,
Ouvrez pour un moment cet asile à mes pas !
Je viens d’une autre terre et de lointains climats
Chercher s’il est encor sur ces confins du monde
À la voix d’un mortel un mortel qui réponde.
Aux lieux qu’avec horreur mes pieds ont traversés
Je cherchais des humains… j’ai vu des insensés
Qui, dans leur désespoir se maudissant eux-mêmes,
N’attestaient plus le ciel que par d’affreux blasphèmes !
J’ai fui : la main de Dieu m’a sans doute conduit
Dans les profonds détours de cette horrible nuit,
Pour trouver, à la fin de mes longues misères,
Des autels au vrai Dieu, des anges ou des frères ! »
Il dit ; le saint vieillard, sans paraître surpris,
Répondit simplement : « Je t’attendais, mon fils !
L’homme, errant au hasard, sans dessein et sans guide,
Arrive où Dieu le veut au jour que Dieu décide !