Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/122

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Et que du haut du ciel y plongeant ses regards,
Il voit ses tendres fruits sur les rochers épars,
Sur ce nid, son espoir, il plonge, il veut s’abattre ;
Il cherche un ennemi qu’il puisse au moins combattre ;
De rochers en rochers il vole en tournoyant,
Promène dans les airs son regard foudroyant,
Et rongeant les rochers à défaut de victime,
Il jette un cri vengeur qui fait trembler l’abîme :
Tel au fond d’un palais maintenant dépeuplé,
Ce vieux père, cherchant d’un regard désolé
Cette enfant dont ses yeux ont la douce habitude,
De ses gémissements remplit la solitude ;
Marche, s’arrête, écoute, éclate en vains sanglots,
Et consume la nuit à regarder les flots.
Mais à l’heure où les chants du pieux solitaire
Montent seuls vers le ciel, quand tout dort sur la terre,
Son regard, en fixant l’écueil inhabité,
Du fanal de Tristan découvrit la clarté.
À cet aspect nouveau son cœur glacé palpite :
Il appelle, il espère, il s’élance, il hésite ;
Mais vers les bords lointains où cet espoir a lui,
Un instinct plus puissant l’entraîne malgré lui.


Réveillés à ces cris, ses matelots fidèles
Rattachent l’aviron aux flancs de ses nacelles,
Dressent les mâts couchés sur les esquifs flottants,
Lèvent l’ancre pesante, ouvrent la voile aux vents,
Et lui-même, voyant où le fanal le guide,
Courbé sur l’aviron fend la plaine liquide.
La brise de la nuit sur le lac écumant
Vers l’écueil escarpé les pousse en un moment ;
Ils franchissent le flot grondant sur le rivage.
Béranger, le premier, s’élance sur la plage ;