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intéressant, tout est respectable dans les moindres destinées du plus obscur et du plus insignifiant de tous les êtres. Les orgueilleux sont des sots, le dédain n’est qu’une ignorance ; voilà pourquoi je serais reconnaissant si vous vouliez bien me raconter ce que je ne sais pas de votre vie, où vous êtes née, ce que vous avez fait, comment vous êtes venue ici, et où vous comptez aller après.

« — Je vous obéirai, monsieur, dit-elle en rougissant, si cela vous amuse. Vous vous moquerez peut-être de moi ?

« — Ah ! Geneviève, répondis-je d’un accent fâché, est-ce que Jocelyn se moquait jamais de la plus naïve confidence d’une vieille femme ou d’un enfant ? Est-ce que je ne suis pas son ami ?

« — Oui, c’est vrai, dit-elle en se repentant, j’ai tort, je vais tout vous dire. »

Je me rapprochai du feu ; elle ne releva pas ses yeux de ses aiguilles ; elle ne perdit pas une maille ; elle me dit en continuant de travailler :


VIII


« Je suis de Voiron en Dauphiné. C’est une belle bourgade au pied des montagnes ; les eaux y sont douces pour blanchir les toiles ; le pain y est bon ; les châtaignes n’y sont pas chères pour les pauvres gens ; le peuple y est gai, remuant, entendu au commerce et un peu rieur comme en Dauphiné ; les filles et garçons y ont de belles couleurs sur les joues, comme si le froid des neiges voisines les pinçait. On ne dirait pas que j’en suis, moi, quand on voit comme je suis pâle ; mais c’est que, voyez-vous, je n’ai jamais été à l’air, j’ai toujours vécu à la maison ; cela enlève les cou-