Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/230

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pagne abandonnaient ; mais surtout, surtout de la petite, qui était plus de la moitié de sa pensée ; Je cherchais à la consoler, en lui disant que j’étais jeune, que j’étais forte, bien que je n’en eusse pas l’air ; que j’étais accoutumée à la peine ; que je me mettrais en condition ou à la journée chez les blanchisseuses de toile ; que peut-être je me marierais avec un honnête garçon du pays ; que nous prendrions la petite chez nous, et que nous en aurions soin comme de notre propre enfant.

« — Oh ! oui, me disait-elle, Geneviève, promets-moi bien, jure-moi, par la croix de ton chapelet, que tu lui serviras de mère, et que tu feras pour elle tous les sacrifices qu’une mère ferait à sa fille. »

Et je n’avais pas de peine à le lui jurer, monsieur, car je ne mentais pas ; c’était mon idée, c’était mon cœur ! Cette petite, voyez-vous, c’était notre folie à toutes deux.

« Ensuite, ma mère m’embrassait, et j’allais me recoucher plus contente auprès de ma sœur, qui ne se doutait seulement pas que nous venions de parler d’elle et de pleurer.


XIII


« Quand l’automne fut venu, à la chute des feuilles, aux premières neiges qui tombèrent sur les toiles, dans les prés, ma mère m’appela, une nuit, d’une voix que je ne reconnaissais pas et qui me fit toute tressaillir. Je courus, les pieds nus, vers son lit. « Geneviève, me dit-elle, va chercher le vicaire quand il fera jour ; éloigne ton père et Josette sous un prétexte quelconque ; je ne veux pas qu’ils voient mon agonie ; je sens là, ajouta-t-elle en prenant ma