Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/24

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lesse des religieuses, se jeta naturellement d’instinct dans l’idolâtrie de sa seule compagne Clotilde. Les distractions des études de femmes dans un cloître à demi désert d’Italie n’étaient pas de nature à occuper beaucoup les heures et les imaginations actives de deux recluses de leur âge. On sait ce qu’était alors la vie de ces couvents : des cérémonies religieuses plus propres à fanatiser les sens qu’à édifier les âmes, des parfums, des tableaux, des fleurs, des musiques dans la chapelle ; des livres mystiques, des processions, des rosaires sans fin et sans idées, des pratiques enfantines, des coutumes austères, des recueillements extérieurs, des méditations marquées au cadran à différentes heures du jour ; un peu de musique et de poésie sainte enseignée aux élèves par des maîtresses affiliées à la maison ; de lentes promenades dans l’enceinte cloîtrée, de longues solitudes imposées aux novices dans leurs cellules ; la diversion de quelques visites de dignitaires de l’Église, protecteurs du couvent ; les sermons familiers de quelques prédicateurs célèbres de la paroisse au carême ou aux avents ; la monotonie dans le vide, l’importance dans le rien, un sensualisme pieux sanctifié par le mysticisme : voilà l’éducation de l’Italie et de l’Espagne alors. Il n’y avait pas de noviciat plus propre à annuler toutes les facultés raisonnables et à en allumer ou à en égarer une seule : l’imagination. Aussi était-ce l’effet ordinaire de ces réclusions des jeunes filles. Piété dans les habitudes, vide dans l’esprit, passion dans le cœur. Telles sortaient de là ces véritables Orientales de l’Europe, pour entrer de l’ignorance et de la puérilité des cloîtres dans la liberté et dans la volupté de la vie.

Mais Clotilde, avant d’entrer par circonstance dans ce couvent, à cause d’une absence de son père et d’une maladie de langueur de sa mère, avait reçu déjà dans la maison