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d’avoir vu dans la Bible, sur le lit de ma mère, la figure d’une sainte Vierge, assise avec l’enfant Jésus sur un mulet qu’un ange menait par la bride, pour voir sa cousine. Je me disais : « Tu es comme une sainte Vierge, mais qu’as-tu fait de l’enfant ? » Et je me sentais un petit moment le cœur triste en pensant que j’avais laissé Josette en arrière ; mais ça ne durait pas. Cyprien tournait un autre rocher, tournait dans un autre bois, traversait un autre torrent à gué, ses jambes nues dans l’eau ou bien en croupe derrière moi sur le mulet, et tout redevenait surprise, joie et rire comme auparavant.


XXXI


« J’étais si neuve à la vue des pays, monsieur, du ciel, des montagnes, des bois, des eaux, de toutes ces choses qui couvrent la terre ! Je n’étais jamais sortie de Voiron et presque jamais de ma chambre ; tout cela m’entrait dans les yeux comme un feu d’artifice. J’admirais tout, j’interrogeais Cyprien sur tout, je criais de tout, et cependant je n’avais peur de rien, parce que j’étais avec lui. Mais, s’il faut vous l’avouer, monsieur, deux ou trois fois je fis semblant d’avoir trop peur au bord des ravins et au bruit du torrent ; je poussai un cri et je me jetai, ma main sur son épaule, autour de son cou, pour qu’il me soutînt à demi et qu’il m’entourât de son bras robuste, sous lequel je ne craignais plus rien.

« — Et il n’en profita pas pour vous embrasser une seule fois, Geneviève ?

« — Oh ! non, monsieur, je vous le jure, dit-elle, il était trop honnête homme pour cela ; il ne m’embrassa pas plus