Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/264

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vrant toujours davantage par l’étonnement, à mesure que ma lampe m’éclairait mieux. C’était Josette, qui était sur son séant, appuyée contre la têtière du bois de lit, en chemise, mais qui ne dormait pas et qui me regardait sans rien dire, tout effrayée, la pauvre enfant, monsieur, comme si elle avait vu un fantôme ou une vision ! Mais elle me reconnut à la voix.

« — Tiens ! c’est toi, Geneviève ? » qu’elle s’écria en m’ouvrant ses petits bras et en déplissant son front et ses lèvres, qui passèrent tout à coup de l’effroi au sourire.

« — Eh ! oui, que c’est moi, lui dis-je ; qu’as-tu donc à me regarder comme ça ? Est-ce que je ne suis pas la même qu’hier ? »

« J’avais oublié, monsieur, d’ôter mes beaux habits qui me changeaient toute.

« — Eh ! non, que tu n’es pas la même, dit-elle en boudant un peu des lèvres, est-ce que tu veux te moquer de moi ? Est-ce que tu avais hier cette belle robe de soie qui brille, qui luit et qui change comme les gorges des pigeons sur un toit au soleil, ces souliers qui craquent comme ceux des dames à l’église, ce fichu de dentelles, cette ceinture de ruban, cette coiffe dont les ailes te battent sur les joues, ces boucles d’oreilles qui pendent comme deux poires d’or, ce beau collier avec cette croix sur la poitrine ? Est-ce que nous sommes en carnaval entrant en carême ? Ou bien est-ce qu’il est venu une fée avec sa baguette, comme dans le livre où tu m’apprends à lire, qui t’a changée, dans ton voyage, en demoiselle, et qui t’a donné de si belles nippes que je n’oserais pas seulement t’embrasser ? »

« Tiens ! c’est vrai, que je pensai en moi-même ; cette pauvre enfant, elle ne m’a jamais vue comme ça ; ça doit l’étonner tout de même. »