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neige. Je lui donnai pour cela une paire de sabots garnis. Quand je lui remis la lettre dans sa poche, le pauvre enfant, je sentis bien que tout était dit, et il me sembla que mon cœur me tombait des mains avec la lettre.


XLIV


« Puis je rentrai sans savoir ce que je faisais ; la petite dormait encore. J’allai droit à l’armoire. Je pris mes souliers fins, mes boucles, ma ceinture à nœuds de ruban, ma coiffe de dentelle, mes boucles d’oreilles, mon collier de grains de jais, ma belle robe de soie gorge de pigeon, j’en fis un paquet bien plié dans une serviette blanche qui n’était pas marquée, j’emportai tout cela à l’église de Voiron pendant qu’il n’y avait personne, et je le déposai, sans avoir été aperçue par le sacristain, sur l’autel de la sainte Vierge. J’avais attaché sur la serviette, avec une épingle, un petit morceau de papier où j’avais écrit : Vœu ! On savait que cela voulait dire, dans le pays, une offrande pour habiller la sainte ou la madone. Je me disais : « Il ne faut rien garder à toi de ces habits trompeurs de fêtes et de fiançailles ; ça te rappellerait ta traîtrise avec M. Cyprien et ton malheur ; ça te ferait penser à revenir au mariage, peut-être à abandonner ta sœur, à rompre ton vœu. Jamais tu ne serais tranquille avec ces nippes à toi dans la maison. Donnons-les à Dieu, à qui on ne reprend rien, et que ça soit fini ! »

« Quand la petite, à mon retour, me demanda à les voir, je lui dis ce que j’en avais fait. Elle ne pleura pas, monsieur, ces beaux habits ; elle me sauta au cou et elle me dit :