Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/279

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j’avais ajouté l’état de tailleuse en gros, n’allait pas mal pourtant. Les jours de foire et de marché, il y avait bien des paysannes de la montagne qui se servaient chez nous. Je leur vendais des rubans de fil, des dentelles pour les coiffes, je leur coupais des robes à la mode de leur pays, je leur détaillais des rubans, des collerettes, des boucles d’oreilles de pierres fausses, des bagues de laiton, des chaînes d’acier luisant pour pendre leurs ciseaux sur leur tablier, un peu de mille choses, quoi ! Elles disaient : « Allons chez Geneviève ; elle n’est pas chère et elle a tout. Et puis on n’a pas honte chez elle comme chez ces riches marchandes de la Grand’Rue ; elle n’est pas fière, elle accommode le pauvre monde. »

« Voilà ce qu’on disait, et c’était vrai.


XLVII


« Un samedi, monsieur, un samedi matin de la dernière semaine du mois de novembre, que j’étais seule à la maison à finir une robe pour Josette, qui devait danser le lendemain aux noces d’une de ses amies, voilà que je vois entrer une jeune fille de la montagne, si belle, si belle, qu’excepté Josette je n’en avais jamais vu de si avenante. Deux vieilles femmes avec un garçon de quinze ans, qui paraissaient sa mère, sa tante et son frère, étaient restés dehors sur le pas de la porte ou assis sur le banc, pendant que la jeune fille marchandait ceci et cela. Ils avaient deux mulets avec des paniers, d’où le garçon avait tiré du pain, du vin, des châtaignes, que les paysannes et lui mangeaient dans la rue.

« La jeune fille regardait, touchait, essayait tout dans la