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des châteaux cerclés de tours gothiques de ces provinces, si différents de l’éternelle sérénité des villas ouvertes par tous les pores au soleil des collines romaines !

Ces conversations ne tarissaient jamais et suivaient pour ainsi dire le monotone écoulement et le gazouillement mélancolique de l’Aqua Paulina, qui tintait en bas dans le bassin de marbre. Leurs têtes tournées l’une vers l’autre, leurs beaux bras entrelacés tantôt sur les genoux de l’une, tantôt sur les genoux de l’autre, les boucles flottantes de leurs cheveux mêlées sur leurs épaules demi-nues par les bouffées du vent de nuit qui caressait la terrasse, les faisaient ressembler à deux belles cariatides de marbre blanc, accroupies sous le balcon d’une villa romaine, sur lesquelles glisse la lame, s’épaissit ou s’éclaircit l’ombre, et tombe la rosée pendant toute une nuit d’été.

Il fallait que ces nuits les eussent bien frappées elles-mêmes, puisque Régina, trois ou quatre ans plus tard, et longtemps après la perte de son amie, ne cessait pas de se les rappeler et de me les peindre dans un langage mille fois plus sonore et plus pénétré de ces émanations de la terre, du ciel et du cœur que le mien.


XVIII


Peut-être aussi ces conversations nocturnes et secrètes avec son amie ne l’avaient-elles tant frappée que parce que ce furent ces longs entretiens qui devinrent l’occasion et l’origine de son amour et de sa destinée.

On conçoit que les pensées des deux recluses devaient être en effet souvent reportées vers leurs deux familles. Régina ne connaissait de la sienne que sa grand’mère,