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« Ah ! que je pleurai ! que je pleurai, toute seule sur cette terre fraîche, toute seule dans mon lit, toute seule dans la boutique, pendant ces trois jours !


LXXII


« Et puis j’avais bien un autre poids sur le cœur ! c’était comme un reproche qui ne me laissait pas un moment de repos, comme un remords qui me mordait le cœur, toutes les fois que j’avais envie de dormir à force d’avoir pleuré ! Je me disais : « Que fais-tu là, dans ta maison, pendant que la pauvre mère Bélan est en prison pour cause de toi ? As-tu bien le cœur de laisser souffrir une brave femme et courir des propos sur son honnêteté, pendant que tu sais son innocence et qu’elle n’est dans la peine que pour n’y pas mettre les autres ? »

« Au bout de trois jours, je n’y pus plus tenir. Je m’habillai de mes plus beaux habits, sans rien dire à personne, j’allai à l’église et sur la fosse de ma sœur faire ma prière ; puis je montai dans une carriole qui menait les pauvres gens à Lyon pour trente sous. C’était la même dans laquelle les gendarmes avaient mené la sage-femme en prison. Je m’informai de tout du conducteur, et quand je fus arrivée à Lyon, je me fis conduire par un petit ramoneur, pour deux sous, à la porte de la prison des femmes, sur la côte de Fourvières. Je demandai au concierge de me laisser parler à la sage-femme de Voiron, disant que je lui apportais des nouvelles de ses petites et un peu de linge et d’argent. Le concierge et sa femme me regardèrent bien entre les deux yeux, refusèrent ; puis, quand ils virent que je restai là tout humiliée, à la porte, et que je pleurais à