Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/34

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tient jamais que ce qu’on y voit intérieurement. On eut de longues et sérieuses inquiétudes ; mais sa jeunesse et sa séve de vie surabondante et toujours renouvelée, que rien ne pouvait longtemps corrompre ni tarir, l’emportèrent sur son âme même. Elle vécut et embellit encore dans le deuil, qu’elle voulut porter, comme pour la perte d’une sœur. Elle se couvrit, comme de reliques de tendresse, de tous les bijoux, de tous les cheveux, de tous les ouvrages de main que Clotilde avait échangés avec elle pendant leur longue et tendre intimité du couvent. Colliers, bracelets, pendants d’oreilles, anneaux, boucles de ceinture, agrafes, corail ou perles, tout était Clotilde encore dans ses cheveux, autour de son cou, sur sa poitrine, à ses bras, à ses doigts ; tout était Clotilde, surtout dans son cœur. Elle avait mêlé ce nom comme un talisman à son chapelet ; elle le prononçait dans toutes ses prières, comme une invocation idolâtre à quelque créature divinisée qui lui était apparue sur la terre au commencement de son pèlerinage, et qui devait avoir une influence céleste encore sur sa destinée. Clotilde était le sursùm corda perpétuel de cette jeune fille. Sa grand’mère, aussi simple que bonne, ne contrariait aucun de ces caprices de la douleur, s’associait à toutes ces pratiques du culte, à la mémoire de l’âme tant adorée de son enfant, et faisait dire par centaine des messes à toutes les chapelles pour le repos de l’âme de cette pauvre jeune Française, qu’aucune mère et qu’aucune sœur ne pleuraient ici-bas dans sa patrie.