Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CXXXV


Quand l’enfant eut fini de souper sur le bout du banc et qu’il nous crut occupés à causer auprès du feu sans faire attention à lui, il vint doucement prendre son sac séché au feu sur la chaise ; il le porta sur la table, où il venait de manger son pain ; il le dénoua, et il étala un à un, devant lui, sur la nappe, tous les petits objets contenus dans sa valise d’enfant. Il les touchait, les examinait, les essuyait, les rangeait, pour s’assurer que la pluie n’avait rien gâté de ce qu’il portait avec tant de soin à la femme et aux filles de son maître, le magnien. C’étaient des étuis de bois peints à grosses fleurs rouges et jaunes, des aiguilles et des épingles dans de petits carrés de papier bleu, des jouets d’enfant, des chapelets de petits grains noirs et rouges pour colliers, des bagues de laiton, et enfin une feuille enveloppée d’une double feuille du gros papier gris dans lequel les épiciers enveloppent leurs pains de sucre. Il regardait, touchait, tournait, retournait, essuyait, polissait tout cela comme aurait pu faire une personne raisonnable et soigneuse, comme s’il eût senti, par un isolement précoce, l’importance du dépôt dont il était chargé par son maître, ne s’apercevant seulement pas que Geneviève et moi nous le regardions du coin de l’œil.

Quand il eut fini sa revue, il replia tout, rangea tout dans différents papiers et remit tout dans le sac, qu’il noua avec soin par la gueule. Puis, ôtant de nouveau sa veste, il ouvrit sa chemise de grosse toile, dont la rudesse et la couleur faisaient ressortir la finesse et la délicate blancheur de sa peau d’enfant. Il prit des deux mains et enleva de