Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/391

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son cou un long collier de crin noir, au bout duquel était suspendu sur son sein un objet apparemment plus précieux et plus personnel, qu’il posa sur la table, qu’il retourna avec des doigts encore plus soigneux et qu’il examina avec des yeux encore plus attentifs. C’était une large boîte ronde et plate en étain ou en fer-blanc battu, comme celles où les pèlerins portent leurs reliques et les matelots leurs papiers.

L’enfant, après l’avoir bien soufflée de sa petite haleine et bien polie de sa petite main, finit par l’ouvrir pour s’assurer mieux sans doute que la pluie n’y avait pas pénétré. Il en tira quelque chose qui était roulé dans la boîte en sept ou huit cercles, entouré de papier, comme les anneaux d’un serpent apprivoisé qui dort dans le creux de la main d’un psylle arabe. Il déroula les anneaux, déplia le papier, et nous en vîmes lentement sortir une longue tresse de cheveux châtain sombre, aussi souples, aussi ondoyants, aussi vivants de teinte et de vernis naturel que s’ils venaient de tomber, sous les ciseaux de sa sœur ou de sa mère, du front d’une jeune fille de seize ans. À la vue de cette boucle de cheveux, Geneviève, qui s’était levée de sa chaise pour se glisser derrière l’enfant, poussa un cri, arracha les cheveux de ses petites mains, les prit dans les siennes, toute tremblante, les approcha de la lampe, les regarda, les toucha, en pâlissant toujours davantage, puis s’écria en regardant le petit garçon :

« De qui tenez-vous ces cheveux ?

« — De la religieuse, répondit l’enfant.

« — Quelle religieuse ? dit Geneviève.

« — De la religieuse de l’hospice de Grenoble.

« — Vous êtes donc un enfant de l’hospice ?

« — Oui, dit l’enfant en baissant la tête et en rougissant, comme s’il eût déjà compris qu’il y avait de la honte dans sa misère.