Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/47

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l’on joint les mains, cachait sans doute à la personne qui venait prier ma tête inclinée plus bas sur la balustrade du chœur. Je passai mes doigts sur mes yeux pour y faire rentrer mes larmes, j’écartai mes cheveux qui me couvraient le front, et je me levai en retournant mon visage vers la porte du côté où j’avais cru entendre les pas !

« Ah ! mon ami, ce ne fut qu’un éclair, une vision, une hallucination, tout ce que tu voudras ; mais je vivrais mille et mille années, et je tiendrais le pinceau de Raphaël, le ciseau de Canova, le clavier de Rossini, la plume de Pétrarque, et j’écrirais, je chanterais, je peindrais, je sculpterais ma pensée pendant des milliers d’heures, que je n’essayerais pas d’égaler jamais ce que je vis dans ce rayon !

« Une jeune figure d’environ seize ans, toute vêtue de noir, comme un cyprès qui sort d’un pavé de marbre, grand, souple, élancé sur sa base, les épaules transparentes à travers un filet de sombres dentelles, les bras arrondis, la taille ondulée et déjà demi-pleine, faisant éclater l’enveloppe de soie qui se collait aux lignes de son corps, comme le tissu de lierre déchiré çà et là par la blancheur du marbre qui se colle aux genoux et aux hanches d’une statue, dans le jardin Pamphili, la tête un peu inclinée, les mains jointes par ses doigts entrelacés sur ses genoux autour d’un de ces gros bouquets de toutes nuances que les paysannes d’Albano viennent vendre à Rome, et qu’elles nattent en mosaïque de fleurs ; des cheveux rattachés en deux ou trois grosses boucles sur sa tête par deux longues épingles semblables à des stylets à manches de perles. Ces cheveux blonds frappés du soleil rejaillissaient aux yeux en véritables éblouissements métalliques de gerbes d’or. Quant au visage, je n’essaye pas ; j’effacerais autant de mots que j’en écrirais pour