Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/66

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ou cinq de ces longues échelles de bois léger dont les jardiniers d’Italie se servent pour tailler les ceps de vigne, et pour cueillir les raisins des pampres enlacés et suspendus à l’extrémité des branches sur les plus hauts peupliers ; Il les démonta, il en mit à part les échelons ; il ajusta et relia les montants avec de fortes cordes, et il en reconstruisit une échelle légère, solide, maniable, à l’aide de laquelle il pouvait atteindre jusqu’à la hauteur du rempart. Ce travail terminé, il fit avertir Régina, par le frère de sa nourrice, qu’il serait la nuit suivante, après que la lune serait couchée, dans la chapelle auprès du tombeau de sa sœur, et qu’elle trouverait la liberté là où il avait trouvé l’amour de sa vie.

Aidé du jardinier et du frère de la nourrice dont il avait acheté à prix d’or la complicité et le silence, à l’heure dite il monta sur le rempart, tira l’échelle à lui, la fit glisser au pied du mur dans l’allée de cyprès du couvent, descendit, se glissa dans la chapelle, y trouva Régina et la nourrice, leur fit franchir la muraille comme lui-même l’avait franchie, et laissa ses deux complices retirer, démolir l’échelle, et détruire ainsi toute trace d’escalade et de rapt dans le jardin du complaisant Transtévérin. Une de ces petites voitures de paysan romain, formée de deux arceaux de bois recourbé, et voilée contre le soleil d’un lambeau de toile, les attendait dans la cour du frère de la nourrice de Régina. Un vigoureux cheval sauvage des marais Pontins, acheté d’avance par Saluce, était attelé à cette charrette. Régina dépouilla ses habits de soie et prit le costume de laine d’une des nièces de sa nourrice. Saluce était couvert de son costume romain et de son manteau de laine brune. Il portait aux jambes les souliers à semelles de bois et les guêtres de cuir noir des paysans de la campagne Sabine. Il avait deux fusils et une espingole