Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/80

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boue sous ses pieds. Cruauté et lâcheté dont je ne veux pas même voir une image ni une trace autour de moi ! Non ! non ! il n’était pas digne du battement d’un cil d’une Romaine ! Qu’il aille aimer les filles de neige et d’écume de mer de son pays ! Plus rien de lui ! Pas même son nom ! » me dit-elle enfin en me lançant un regard de commandement superbe et sans réplique.

En disant ces mots, elle bondit plutôt qu’elle ne courut vers l’escalier, monta dans sa chambre, ouvrit sa fenêtre, et, les cheveux épars, les bras élevés au-dessus de sa tête, elle fit, en se tournant du côté des montagnes d’Italie, une imprécation entrecoupée de sanglots, comme si elle avait cru que sa voix pouvait être entendue de son amant jusqu’à Rome, et elle jeta d’un geste désespéré dans le jardin toutes les lettres, tous les cheveux, toutes les reliques, tous les souvenirs mutuels de son amour pour Saluce. Puis, appelant sa nourrice : « Baglia ! lui cria-t-elle, va ramasser tout cela et jette-le au plus profond du lac après y avoir attaché une pierre, pour que les vagues n’en rapportent jamais un débris au jour ! Je voudrais y engloutir les six mois d’amour et de délire que j’ai eus pour lui ! »

La nourrice obéit en murmurant et en s’indignant comme Régina, dont elle semblait partager toute la colère. La pauvre comtesse Livia, pâle et muette, sanglotait sur son canapé, combattue entre la joie de recouvrer son enfant, tout à elle, et la honte de la voir abandonnée par son amant !

Régina, après cet accès de rage, se jeta sur son lit et resta deux jours, sans vouloir paraître, entre les bras de sa nourrice qui cherchait vainement à la calmer. Je rencontrai deux ou trois fois cette femme dans l’escalier et je lui demandai des nouvelles de Régina. « Elle reprend son