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RAPHAËL

cessaire pour aller à Paris et pour y vivre même dans la retraite et dans la gêne. Il me fallait attendre le terme d’un des quartiers de la pension de mon père, époque aussi où un oncle, riche mais sévère, et de vieilles tantes, bonnes mais prudentes, avaient l’habitude de me faire quelques petits présents. J’espérais, à l’aide de toutes ces ressources, réunir une somme de six ou huit cents francs suffisante pour m’entretenir à Paris pendant quelques mois. Cette médiocrité ne coûterait désormais rien à ma vanité, car ma vie n’était plus que dans mon attachement. Toutes les richesses du monde ne m’auraient servi qu’à acheter le moment du jour que j’aspirais à passer près d’elle !

LXXII

Ces jours d’attente furent remplis de sa seule pensée. Nous nous étions consacré toutes les heures de notre journée. Le matin, à son réveil, elle s’enfermait pour m’écrire. Au même moment, je lui écrivais de mon côté. Nos pages et nos pensées se croisaient ; tous les courriers, en route, s’interrogeaient, se répondaient, se confondaient sans interruption d’un seul jour. Il n’y avait véritablement ainsi que quelques heures d’absence entre nous.

Je les remplissais encore de sa contemplation. Je m’entourais de ses lettres. Je les ouvrais sur ma table. Je les semais sur mon lit. Je les apprenais par cœur. Je m’en redisais à moi-même les passages les plus passionnés et les plus pénétrants. J’y mettais sa voix, son accent, son geste, son regard. Je lui répondais. Mon illusion devenait si forte, et je finissais par croire tellement à sa présence, que j’étais triste et impatient quand on venait m’interrompre pour les repas ou pour les visites. Il me semblait