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RAPHAËL

çais d’enlever avec moi jusqu’au ciel, sur les ailes de mon imagination exaltée et presque mystique, cette seconde âme souffrante et desséchée. Je parlais de Dieu, seul assez parfait pour avoir créé cette perfection surhumaine, seul assez grand pour contenir l’immensité de nos aspirations. Je consolais Julie des sacrifices que le devoir nous forçait à faire d’un bonheur plus complet ici-bas. Je lui faisais valoir le mérite de ces sacrifices d’un moment aux yeux de l’éternel rémunérateur de nos actions. Je bénissais la pureté et le désintéressement de notre affection, puisqu’ils devaient nous obtenir un jour une félicité plus angélique dans l’éternelle atmosphère des purs esprits.

J’allais jusqu’à me dire heureux, et à chanter les hymnes de la résignation à laquelle nous étions, par l’amour même, mais par un amour plus grand, condamnés. Je conjurais Julie de ne pas penser à mes peines, de n’en point avoir elle-même. Je lui montrais un courage, un mépris du bonheur terrestre que souvent je n’avais que dans mes paroles. Je lui faisais l’holocauste de tout ce qu’il y avait d’humain en moi. Je m’élevais à l’immatérialité pour qu’elle ne soupçonnât pas une souffrance ou un regret dans mon adoration. Je la suppliais de chercher dans une religion tendre et nourrissante, dans l’ombre des églises, dans la foi mystérieuse de ce Christ, le Dieu des larmes, dans l’agenouillement et dans l’invocation, les espérances plus rapprochées, les consolations et les douceurs que j’y avais goûtées moi-même, dans mon enfance.

Elle m’avait rendu le sentiment de la piété. Je composais pour elle ces prières enflammées et calmes qui montent au ciel comme une flamme, mais comme une flamme qu’aucun vent ne fait vaciller. Je lui disais de prononcer ces prières à certaines heures du jour et de la nuit, que je les prononcerais moi-même, pour que nos deux pensées, unies par les mêmes mots, s’élevassent ensemble, à la même