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RAPHAËL

qu’il consentirait du moins à l’imprimer à ses frais, que le goût du public, tenté par la nouveauté de ce style né dans les bois et jailli de source, me ferait peut-être à la fois une petite fortune et un nom.


LXXXI

Je n’avais pas à m’inquiéter de trouver un logement à Paris. Un de mes amis, le jeune comte de V***, revenu récemment de ses voyages, devait y passer l’hiver et le printemps. Il m’avait offert de partager un petit entre-sol qu’il occupait au-dessus du concierge dans le magnifique hôtel du maréchal de Richelieu, rue Neuve-Saint-Augustin ; hôtel démoli depuis.

Le comte de V***, avec qui j’étais en correspondance presque quotidienne, était informé de tout. Je l’avais chargé d’une lettre de présentation, pour Julie, afin qu’il connût l’âme de mon âme, et qu’il comprit, sinon mon délire, du moins mon adoration pour cette femme.

Au premier aspect, il avait compris en effet et presque partagé mon enthousiasme. Les lettres qu’il m’écrivait étaient émues de respect et presque de piété pour cette apparition mélancolique suspendue entre la mort et la vie, mais retenue, me disait-il, par l’amour ineffable qu’elle avait pour moi.

Il ne cessait de me parler d’elle, comme d’un don céleste que Dieu m’avait fait et qui m’élèverait au-dessus de l’humanité tant que je resterais couvert de son divin rayonnement.

Convaincu de la nature surnaturelle et sainte de notre attachement, V*** considérait notre amour comme une vertu. Il ne rougissait pas d’en être le confident et l’inter-