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RAPHAËL

visage, les deux regards presque confondus, sans nous apercevoir que l’entretien avait duré plus que la durée d’une respiration. Nous nous relevions tout étonnés que les minutes eussent couru aussi vite que nos paroles, et que l’horloge sonnât l’heure inexorable de nous séparer. C’étaient tantôt des interrogations et des réponses sur les plus fugitives nuances de nos natures et de nos pensées ; des dialogues à voix à peine entendue ; nos haleines articulées plus que des paroles saisissables ; des confessions rougissantes de nos plus secrets et de nos plus sourds gémissements intérieurs ; des étonnements et des exclamations de bonheur, en nous découvrant des impressions semblables et répercutées l’une dans l’autre, comme la lumière dans la réverbération, comme le coup dans le contre-coup, comme la figure dans l’image. Nous nous écriions en nous levant du même élan simultané : « Nous ne sommes pas deux ! nous sommes un seul être sous deux natures qui nous trompent. Qui dira vous à l’autre ! qui dira moi ? Il n’y a pas moi, il n’y a pas vous, il y a nous !… »

Et nous retombions anéantis d’admiration sur cette conformité merveilleuse, pleurant de délices de nous sentir ainsi doubles en n’étant qu’un, ou plutôt de n’être plus qu’une âme en deux corps !

CXIII

Quelquefois, et le plus ordinairement, c’étaient des retours scrupuleusement attentifs sur tous les lieux, sur toutes les circonstances, sur toutes les heures qui avaient amené ou marqué les commencements de notre amour.

Semblables à une jeune fille qui a laissé égrener en marchant les perles précieuses de son collier et qui revient pas