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RAPHAËL

pour rentrer dans le bruit de Paris. Julie y rentrait avec la foi et le sentiment de Dieu trouvés enfin dans sa félicité ; moi avec la joie de lui savoir au cœur cette source intérieure de consolation, d’espérance et de paix !

CXXVII

En peu de temps, les dépenses que j’étais forcé de faire, et dont je cachais la gêne à Julie, pour l’accompagner ainsi presque tous les jours à la campagne, avaient tellement diminué le produit de la vente du dernier diamant de ma mère, qu’il ne me restait plus que dix louis. Je tombais dans des accès de désespoir en comptant, le soir, le petit nombre de jours heureux que me représentait cette faible somme. J’aurais rougi d’avouer l’excès de mon indigence à celle que j’aimais. Peu riche elle-même, elle aurait voulu me donner tout ce qu’elle possédait. Mes rapports avec elle en eussent été dégradés à mes yeux. J’aimais mieux mon amour que la vie, mais j’aurais mieux aimé mourir que d’avilir mon amour.

La vie sédentaire que j’avais menée tout l’hiver, dans l’obscurité de mon alcôve, l’obstination de mes études le jour, la tension d’une seule pensée, l’absence de sommeil la nuit, et par-dessus tout l’épuisement moral que le perpétuel débordement des forces de l’âme fait éprouver à un corps trop faible pour suffire à une extase continue de dix mois, avaient miné mon organisation. Je n’étais plus, sous un visage pâle et amaigri, qu’une flamme brûlant sans aliment. Cette flamme menaçait de consumer son propre foyer.

Julie me conjurait d’aller respirer l’air natal et de la quitter aux dépens même de son bonheur. Elle m’envoyait