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DE SAINT-POINT.

éparses à terre à côté du duvet que le père et la mère avaient tissé tout un printemps pour les petits.

Je dis au père Litaud, c’est le nom de ce vénérable vieillard à la figure homérique et aux cheveux argentés comme l’écume d’une vie si longtemps battue du vent de ces collines ; je lui dis : « Père ! » car j’ai pour lui l’espèce de parenté filiale que l’enfant de la maison contracte avec les vieux serviteurs plus anciens que lui sur le foyer de sa famille ; je lui dis donc : « Père ! il faut réparer ce mur dégradé, relever ces pierres, recrépir de ciment ces brèches fermées, et, pour empêcher que les arbres ne les renouvellent par le froissement de leurs branches, il faut remplacer ce râteau et ce cordon de tuiles, qui défendent mal la crête de la toiture, par une rangée de pierres de taille qui couronneront le mur comme le parapet d’un pont. Les arbres y appuieront leurs coudes sans se gêner, et les branches, en jouant en liberté sur ces pierres plates, ne feront que les polir comme l’eau qui court polit le rocher. Mais il faut le faire vite, car les vents d’équinoxe, qui arriveront avec septembre, donneront de fortes secousses à ces longs rameaux et emporteront le reste des tuiles et le reste du ciment. Faites venir le tailleur de pierre du village que j’ai vu l’autre jour travailler au fond d’une carrière en traversant à cheval le hameau reculé et perdu de la Fée. Je prendrai les dimensions, je ferai le prix, je le mettrai à l’ouvrage dans la carrière au bas du jardin, et les oiseaux, l’année qui vient, nicheront en paix dans ces lilas.

» — Oui, monsieur, » me répondit en hésitant, avec un certain accent d’incrédulité et de doute, le père Litaud. Mais je voyais dans sa physionomie, dans son regard qui parcourait des pensées distraites, et dans l’attitude de sa tête qui se penchait comme pour chercher quelque chose sur l’herbe, que le vieillard n’affirmait pas assez intérieurement le oui qu’il m’avait dit de premier mouvement.

« Est-ce qu’il n’y a pas un tailleur de pierre dans les