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DE SAINT-POINT.

tres qui faisaient lever les épaules, parce qu’elles racontaient des quantités de dieux, des mariages de dieux avec les filles de la terre, des tromperies, des méchancetés de tel ou tel dieu faisant des ruses, des malices, des noirceurs aux hommes. Ces livres, qui venaient de l’Inde, de l’Arabie, de la Grèce, de je ne sais où, me faisaient penser et repenser à ces tas de mensonges mêlés à ces tas de vérités que le bon Dieu a permis qui fussent jetés ainsi par les anciens devant nous, afin que nous eussions éternellement à chercher ces paillettes d’or dans ces monceaux de sable à la sueur de nos fronts. Je me disais : « C’est donc la volonté divine que l’âme travaille comme le corps à se chercher sa nourriture, puisqu’il n’a pas vanné lui-même le grain, qu’il nous l’a jeté mêlé avec la paille, et que dans ces champs les mieux cultivés il fait pousser autant de mauvaises herbes que d’épis ? » Ça m’étonnait, mais ça ne me scandalisait pas, monsieur ; le bon Dieu est le maître, il sait pourquoi il a fait comme cela : c’est peut-être pour que nous pensions toujours et toujours à lui, avançant vers sa connaissance parfaite un pas après l’autre ; car enfin, si nous étions arrivés à sa connaissance parfaite du premier pas, nous ne marcherions plus, nous ne chercherions plus. Or, vivre, c’est chercher, n’est-ce pas ? Pourtant on trouve quelquefois, à travers les temps, de loin en loin, des vérités et des saintetés qui nourrissent pendant des siècles et des siècles la faim de vérité et de sainteté que Dieu a mise dans les hommes. Ainsi ce vieillard me lisait par aventure des pensées, comme il les appelait, de grands sages anciens inspirés de la sagesse d’en haut plus que les autres. Il y en avait dont j’ai retenu les noms, comme Pythagore, Socrate, Platon, Confucius, Cicéron. Ces hommes-là, monsieur, avaient des pensées sur Dieu qui éclairaient pour ainsi dire toute la nuit de mon esprit, comme la neige tombée du ciel, il y a peut-être plusieurs fois mille ans, là-bas, sur le mont Blanc que vous voyez d’ici, et qui n’a pas