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DE SAINT-POINT.

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Je ne pus retenir un cri d’horreur et une larme de pitié

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Je vis que le pauvre homme ne pouvait plus poursuivre. J’eus compassion de son déchirement. Je me hâtai de l’entraîner vers un autre site et de détourner sa pensée de cet horrible dénoûment de son amour, remettant à un autre jour les détails de l’événement dont on s’entretenait encore dans toutes nos montagnes. Il me comprit, il se leva tremblant, pleurant et priant. « C’était la volonté de Dieu, monsieur. » Il s’inclina comme sous la main divine qu’il aurait sentie sur sa tête.

Nous reprîmes tous deux en silence le chemin de la vallée. En passant au bord de la carrière abandonnée, il détourna la tête. J’aperçus une croix de pierre contre un vieux tronc de sapin que je n’avais pas encore remarqué, au-dessus d’un large éboulement. C’était sans doute la place où il avait vu, après l’explosion, Denise soulevée vers le ciel comme une sainte au-dessus du nuage.

Il m’accompagna cette fois jusqu’au bord des prés. Je semblais lui être devenu plus cher depuis que j’avais pleuré Denise avec lui.

Quand je le revis le dimanche suivant : « Hélas ! monsieur, me dit-il, que venez-vous chercher ? je n’ai plus rien à vous dire. Denise fut retrouvée morte, avec ses deux enfants, par les pionniers, dans les débris de la caverne. Le médecin dit qu’ils étaient déjà morts asphyxiés et foudroyés par la fumée et le feu de la mine, avant de retomber dans le sépulcre que je leur avais creusé. On les reporta là, à la place où vous êtes, à côté de ma mère, qui n’avait pas pu survivre un seul jour à notre malheur. Si vous dépliiez cette couverture de gazon sur ce lit de terre, vous reverriez toute une famille. Ils me gardent la place, comme vous voyez, monsieur : voilà mon lit de noce à côté de Denise. »

Je vis un vide entre deux tombeaux.