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ACTE II, SCÈNE II

Ils flotteront ainsi de l’audace à la crainte,
Comme on sonde du pied la cendre mal éteinte,
Demandant ma réponse et l’espérant toujours.
Nous leur ferons ronger les jours après les jours.
La fièvre, n’attendant, céleste auxiliaire,
Ouvrira pour leurs os la terre hospitalière,
Et, décimant leurs rangs sous ce climat fatal,
Changera leur conquête en immense hôpital.

Hourra !

Moi cependant caché dans mon ombre immobile,
On me croira toujours à l’autre bout de l’île ;
Invisible, impalpable, inconnu, mais debout,
Attendu, retardant, absent, présent partout,
Guettant l’occasion imprévue et soudaine,
Je serai l’œil des noirs éclairé par la haine !
Et lorsque le signal

Montrant son front.

Et lorsque le signalici retentira,
Reposez-vous sur moi, la foudre en sortira !…
Aux trois coups de canon tirés du haut de l’île,
Sans combattre, une nuit, sortez de chaque ville ;
Repliez tous les noirs en laissant, pour adieu,
La flotte, les palais et les cités en feu !
Depuis mon propre toit jusques aux champs d’igname,
Balayez le terrain par un balai de flamme !
Ne laissez sur le sol que la pierre et les os,
Et venez me rejoindre au morne du Chaos !
Vous y trouverez tous, grâce à ma vigilance,
Armes, munitions, vivres en abondance.
Les arbres renversés et les rochers épars
Auront à la nature ajouté des remparts.
Les blancs y marcheront comme la brute au piège,
Leurs bras désespérés en tenteront le siège.
Vous roulerez les monts sur leurs corps foudroyés ;