J’ai deviné la place et j’arrive au moment ;
Avant qu’ils aient reçu leur accomplissement,
Je saurai leurs projets et leurs moyens d’attaque,
Ils viennent me traquer, et c’est moi qui les traque.
Silence et l’œil ouvert : l’aveugle mendiant
Aura lu jusqu’au fond au cœur du clairvoyant.
Mais, mon oncle, en ces lieux pensez-vous qu’on respecte
D’un vieux noir inconnu la cabane suspecte ?
Ils vont la balayer comme ces fils impurs
Que la pauvre araignée a tissés sur les murs ;
Ces trois lambeaux de natte à côté de leur tente
Saliront à leurs yeux cette enceinte éclatante.
Ils vont bien loin d’ici nous repousser du pied.
Non, plus les cœurs sont fiers, plus ils ont de pitié.
Le Français confiant mord vite à cette amorce ;
De l’obstination tu connaîtras la force.
Comme un chien sans asile, insensible à laffront,
Je défendrai mon gîte… Ils me le laisseront.
D’ailleurs, on est humain aussi par politique ;
Un rien peut allumer la colère publique :
Lorsque la tyrannie oppresse de son poids
Tout un peuple, à sa haine il suffit d’une voix.
Ils redoutent des noirs le calme encor farouche,
Si je crie un peu haut, ils fermeront ma bouche.
Mais, viens, retirons-nous. — Je vois sur le chemin
Un groupe s’avancer. — Conduis-moi par la main,
Mesure sur mes pas les tiens, et fais en sorte
Qu’on me voie entrer là. — Toi, demeure à la porte,
Et bien tranquillement, comme aux jours réguliers,
Livre-toi sous leurs yeux à tes soins journaliers.