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TOUSSAINT LOUVERTURE.

Alliés des Français, être libres comme eux,
Recevoir les leçons de leurs maîtres fameux ;
Être aux yeux du consul la semence féconde
D’où ses profonds desseins germeront sur le monde,
Et qu’il veut sous ce ciel d’hommes déshérité
Répandre à son moment avec la liberté ;
Être appelés par lui au foyer des lumières,
Pour rapporter ici la science à nos frères ;
Enfin être envoyés par l’homme notre appui,
Pour réconcilier notre race avec lui ;
Comblés par lui de biens, d’honneurs, de préférence,
Vivre auprès de sa sœur, belle de sa puissance,
Plus belle encor du charme empreint dans son aspect,
Et qu’on adorerait sans l’abri du respect ;
Voilà, ce que ta bouche appelle un esclavage !…
Va ! tu n’es qu’un enfant !… Va ! tu n’es qu’un sauvage !…

isaac.

Tu me grondes toujours, mon frère, c’est bien mal !
Tu parles comme un blanc, aussi !… mais c’est égal,
Je t’aime malgré toi, malgré ce ton sévère,
De tout le souvenir qui m’attache à mon père.

albert.

Et moi je t’aime aussi, mais d’une autre amitié.
Mais, pourquoi me fais-tu souvent honte ou pitié ?
Pourquoi ton âme tendre, aux regrets obstinée,
Ne grandit-elle pas avec la destinée ?
J’ai beau te l’expliquer, tiens, tu n’écoutes pas !

isaac.

Si, je t’écoute, Albert, mais mon âme est la-bas.

En lui montrant l’horizon.
albert.

Toujours avec les noirs !

isaac.

Toujours avec les noirs ! Toujours avec l’image