Il ne pleurniche pas comme un enfant qu’on sèvre,
Il n’a pas comme vous que du lait sur la lèvre,
Son œil sait voir plus loin que le nid dont il sort ;
Son esprit s’élargit au niveau de son sort.
Digne de ce grand drame auquel il participe,
Il aime le consul de cœur et de principe :
C’est le monde qu’en lui son cœur croirait trahir.
Quand le maître est un Dieu, la gloire est d’obéir !
N’est-ce pas, mon Albert ?
Mon père m’a fait homme, oui, mais lui m’a fait libre ;
Il a fait pénétrer dans mon obscurité
Le jour éblouissant de toute vérité.
Dans l’esclavage abject dont mon sang fut l’emblème,
Il m’a dit : « Sois l’égal des blancs et de moi-même. »
Ses sages, respectant en moi l’humanité,
M’ont appris leur sagesse et leur fraternité !
Comme un germe futur de quelque grande chose,
Que d’une main soigneuse on plante et l’on arrose ;
Il m’a vivifié d’un souffle réchauffant
Pour grandir tout un peuple, un jour, dans un enfant :
Il veut faire de nous le nœud du nouveau pacte
Qu’avec l’autre univers le vieux monde contracte.
Le noir civilisé, devenu citoyen,
Confondra de Toussaint le nom avec le sien.
Ah ! que sa volonté dans son sort soit bénie !
Comprendre un grand dessein, c’est s’unir au génie !
Voilà parler, mon fils !
Tu ne comprends pas, toi.
Vous savez que mon frère a plus d’esprit que moi.