Si le cri qu’il retient va bénir ou maudire.
Soudain sera l’éclair qui le décidera ;
Mais, quel que soit ce cri, le monde l’entendra.
Ne vous étonnez pas, Français, de ces abîmes
Où le noir cherche en vain ses sentiments intimes.
Comme le cœur du blanc notre cœur n’est point fait :
La mémoire y grossit l’injure et le bienfait.
En vous donnant le jour, le sort et la nature
Ne vous donnèrent pas à venger une injure ;
Vos mères, maudissant de l’œil votre couleur,
Ne vous allaitent pas d’un philtre de douleur.
Dans ce monde, en entrant, vous trouvez votre place,
Large comme le vol de l’oiseau dans l’espace.
En ordre, dans vos cœurs, vos instincts sont rangés,
Le bien, vous le payez, le mal, vous le vengez.
Vous savez, en venant dans la famille humaine,
À qui porter l’amour, à qui garder la haine :
Il fait jour dans votre âme ainsi que sur vos fronts.
La nôtre est une nuit où nous nous égarons,
Lie abjecte du sol, balayure du monde,
Où tout ce que la terre a de pur ou d’immonde,
Coulant avec la vie en confus éléments,
Fermente au feu caché de soudains sentiments,
Et, selon que la haine ou que l’amour l’allume,
Féconde, en éclatant, la terre, ou la consume.
Nuage en proie au vent, métal en fusion,
Qui ne dit ce qu’il est que par l’explosion !…
Quel langage !
La lave qui bouillonne et l’Océan qui gronde.