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jocelyn.

D’un pas moins essoufflé nous montons ses remparts ;
Un horizon nouveau s’ouvre sous nos regards,
Et nous redescendons des pentes qu’elle incline,
De coteaux en coteaux, de colline en colline,
Jusqu’à ce creux vallon qu’elle arrondit exprès,
Pour n’étaler qu’à Dieu ses plus divins attraits.
Là mon guide s’arrête, et me montre l’asile
Qu’offre la Providence à ceux que l’homme exile ;
Me découvre à son bruit la source sous le bois,
M’enseigne à façonner le hêtre où je la bois,
À sécher au soleil les mousses pour ma couche,
À juger la saveur des fruits sains pour ma bouche,
À dérober tout chaud, dans le creux du rocher,
L’œuf pondu du matin que l’aigle y va cacher,
À nourrir un feu lent qui couve dans l’écorce,
À voiler aux oiseaux le piége sous l’amorce,
À lancer dans le lac le fil de l’hameçon
Qui fait frissonner l’onde au contact du poisson ;
À surprendre à son nid le faon qui vient d’éclore ;
À ravir le chevreau pendant qu’il tette encore,
Pour que sa mère aussi vienne, au cri de sa faim,
Tendre pour le nourrir sa mamelle à la main.
Puis, me recommandant à cette Providence
Qui nourrit sans travail et garde sans prudence :
« Priez-la, mon enfant ! tout est plein d’elle ici !… »
Nous prions ; je l’embrasse ; il part, et me voici.