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jocelyn.

Arbres fils de leur gland courbés sous les tempêtes,
Mais dont la foudre seule ose ébrancher les têtes ;
Lianes, de leurs pieds à leur front serpentant,
Qui bercent fleurs et nids sur leur filet flottant ;
Rayon doré du jour qui sous leur nuit se joue,
Tremblant sur l’herbe, au gré du vent qui les secoue ;
Hauts gazons où sur l’or nagent les papillons,
Où les vents creusent seuls leur trace en verts sillons ;
Herbe que chaque brise en molles vagues roule,
Répandant mille odeurs sous mon pied qui les foule ;
Eau qui dort dans la feuille où l’ombre la brunit,
Ou remplit jusqu’aux bords ses coupes de granit ;
Écume des ruisseaux sur leurs pentes fleuries.
Se perdant comme un lait dans le vert des prairies ;
Lac limpide et dormant comme un morceau tombé
De cet azur nocturne à ce ciel dérobé,
Dont le creux transparent jusqu’au fond se dévoile,
Où, quand le jour s’éteint, la sombre nuit s’étoile,
Où l’on ne voit flotter que les fleurs du lotus
Que leur poids de rosée a sur l’onde abattus,
Et le duvet d’argent que le cygne sauvage,
En se baignant dans l’onde, a laissé sur la plage ;
Golfes étroits, cachés dans les plis des vallons ;
Aspects sans borne ouverts sur les grands horizons ;
Abîmes où l’oreille écoute l’avalanche ;
Cimes dans l’éther bleu noyant leur flèche blanche ;
Grandes ombres des monts qui brunissent leurs flancs
Rayon répercuté des pics étincelants ;
Air élastique et tiède, où le sein qui s’abreuve
Croit boire, en respirant, une âme toujours neuve ;
Bruit qu’on entend si loin descendre ou s’élever ;
Silence où l’âme dort et s’écoute rêver ;
Partout avec la paix, mouvement qui l’anime :
Des troupeaux de chamois qui volent sur l’abîme,