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jocelyn.

Même date, le soir.

Mais de ces lieux charmants le chef-d’œuvre est la voûte
Dans le rocher, dont l’aigle a seul trouvé la route ;
À l’orient du lac et le long de ses eaux
La montagne en croulant s’est brisée en morceaux,
Et, semant ses rochers en confuses ruines,
A de leurs blocs épais entassé les collines.
Ces rocs accumulés, par leur chute fendus,
L’un sur l’autre au hasard sont restés suspendus ;
Les ans ont cimenté leur bizarre structure,
Et recouvert leurs flancs et le sol de verdure.
On y marche partout sur un tertre aplani
Que la feuille tombée et la mousse ont jauni ;
Seulement quand on frappe, on peut entendre encore
Résonner sous les pas le terrain plus sonore.
Cinq vieux chênes, germant dans ses concavités,
Y penchent en tous sens leurs troncs creux et voûtés ;
De leurs pieds chancelants les bases colossales
Du granit au granit joignent les intervalles,
S’enlacent sur le sol comme de noirs serpents,
Et retiennent les blocs entre leurs nœuds rampants :
Le plus vieux, suspendu sur l’une des ravines,
La couvre comme un pont de ses larges racines ;
Puis, aux rayons du jour pour mieux la dérober,
Étend un vaste bras qu’il laisse retomber,
Et, sous ce double abri de rameaux, de verdure,
Il voile à tous les yeux son étroite ouverture.