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jocelyn.

Comme la stalactite au bord glacé des toits,
Distillait des rochers et des branches des bois ;
Chaque goutte en pleuvant remontait en poussière
Sur l’herbe, et s’y roulait en globes de lumière.
Tous ces prismes, frappés du feu du firmament,
Remplissaient l’œil d’éclairs et d’éblouissement :
On eût dit mille essaims d’abeilles murmurantes
Disséminant le jour sur leurs ailes errantes,
Sur leur corset de feu, d’azur et de vermeil,
Et bourdonnant autour d’un rayon de soleil.
Puis en mille filets ces gouttes rassemblées
Allaient chercher leurs lits dans le creux des vallées,
Y couraient au hasard des pentes sur leurs flancs,
Y dépliaient leur nappe ou leurs longs rubans blancs,
Y gazouillaient en foule en mille voix légères,
Comme des vols d’oiseaux cachés sous les fougères,
Courbaient l’herbe et les fleurs comme un souffle en glissant,
Y laissaient par flocons leur écume en passant ;
Puis la brise venait essuyer cette écume,
Comme à l’oiseau qui mue elle enlève une plume.


L’air tiède et parfumé d’odeurs, d’exhalaisons,
Semblait tomber avec les célestes rayons,
Encor tout imprégné d’âme et de séves neuves,
Comme l’air virginal qui vint fondre les fleuves
Du globe enseveli dans son premier hiver,
Quand la vie et l’amour se respiraient dans l’air :
Il soufflait des soupirs, il apportait des nues
Des tiédeurs, des odeurs, des langueurs inconnues ;
Il caressait la terre avec de tels accords,
Il étreignait les monts avec de tels transports,
Il secouait la neige et les troncs et les cimes
Avec des mouvements et des bruits si sublimes,