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jocelyn.

Sur cet autel des pleurs, un noir morceau de pain
Fut l’image du Dieu que lui rompit ma main ;
Une coupe de bois fut le divin calice
Où le vin figura le sang du sacrifice ;
Et la lampe jetant ses funèbres clartés,
Le cierge et le flambeau de nos solennités.
Je répétais les mots qu’il me dictait lui-même.
Quand je fus au moment où du festin suprême
Le prêtre, rappelant le symbolique adieu,
Dans ce pain voit un corps et dans ce corps un Dieu :
Le lieu, l’émotion, l’heure, ces murs funèbres,
L’écho des mots sacrés roulant dans ces ténèbres,
Ce mourant à mes pieds dans un divin transport,
Me demandant des yeux l’aliment de sa mort ;
Ce sentiment confus de m’immoler moi-même
À cette charité dont je tenais l’emblème,
Ce retentissement de ma pensée en moi,
Tout concentra mon âme en un éclair de foi ;
Je crus sentir le Dieu qui souffre et qui console,
Du ciel même arraché par la sainte parole,
Descendre, et transformer en sang nouveau le vin,
Le pain du prisonnier en aliment divin ;
Et je crus à ce pain, que notre foi consomme,
Avoir substitué le corps du Dieu fait homme !
Sa lèvre l’aspira dans un élan d’amour ;
La lampe s’éteignit dans l’ombre… — Il était jour.


Un bruit sourd de la mort nous fit deviner l’heure.
Le geôlier vint rouvrir la lugubre demeure,
Et chercher le vieillard pour l’échafaud. Ses fers
Tombèrent en laissant leurs traces dans ses chairs.
Pour qu’il pût achever le funèbre voyage,
Il fallut soutenir son corps, miné par l’âge ;