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cinquième époque.

J’affermissais ses pas, vêtu comme un gardien ;
Son bras paralysé s’appuyait sur le mien.
Bénissant ses bourreaux du geste et du sourire,
Comme on marche au triomphe, il marchait au martyre,
Sachant que la victoire en ces combats de foi
Est à celui qui tombe et qui meurt pour sa loi.
J’aidai sa main tremblante et son pied qui chancelle
À monter les degrés de la fatale échelle ;
Jusque sur l’échafaud j’accompagnai ses pas.
Un vil peuple ondoyait et rugissait en bas ;
Mais lui, n’entendant plus ce stupide blasphème,
Dans mon regard ami cherchait l’adieu suprême ;
Il y lut, et coucha sur le fatal pilier
Son front, comme il eût fait le soir pour sommeiller.
Dans l’éclair du couteau je vis la mort me luire !
Moi-même je tombai teint du sang du martyre,
Confusément frappé de rumeurs et de cris,
Soit que l’horreur du sang eût glacé mes esprits,
Soit qu’animé par Dieu d’un plus mâle courage
Tant que je n’avais pas accompli son message,
Mon œuvre consommée, et le saint vieillard mort,
Je ne puisasse plus de force dans l’effort,
Et, retrouvant Laurence en mon cœur effacée,
Je tombasse frappé par ma propre pensée !…