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sixième époque.

Août 1797, Grenoble.

L’évêque enfin m’a dit : « J’abrége votre épreuve,
Mon fils ; de serviteurs ma pauvre église est veuve ;
La vieillesse, le glaive, ou l’infidélité,
Des pasteurs de mon peuple, hélas ! ont limité
Le nombre insuffisant déjà pour ses misères ;
L’herbe croît sur le seuil de tous mes presbytères ;
Chaque jour de l’année, une paroisse en deuil,
Où l’enfance est sans père et la mort sans cercueil,
Vient me redemander l’homme de l’Évangile.
Je pourrais vous donner à choisir entre mille ;
Mais vous n’ignorez pas, mon enfant, que sur nous
Le monde, avec raison, veille d’un œil jaloux ;
Qu’il veut, pour toucher Dieu, les mains chastes des anges.
Il a couru sur vous, mon fils, des bruits étranges :
Je veux les ignorer. Votre fidélité,
Si vous fûtes un jour faible, a tout racheté,
Le repentir, semblable au charbon d’Isaïe,
En consumant le cœur renouvelle la vie.
Mais l’ombre du passé ne doit jamais ternir
Le ministre du ciel ; nul mortel souvenir
Dans le prêtre de Dieu ne doit rappeler l’homme :
Du seul nom de pasteur il convient qu’on le nomme
Que son nom d’ici-bas dans l’autre soit perdu ;
Qu’il paraisse du ciel à l’autel descendu,
Et que l’éloignement, le mystère et la grâce,
De ses pas dans la vie aient effacé la trace.