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sixième époque.

Et, faisant ondoyer les tuiles et les bois,
Au vol de l’ouragan ils opposent leur poids.


Bien que si haut assise au sommet d’une chaîne,
Son horizon borné n’a ni grand ciel, ni plaine :
Adossée au penchant d’un étroit mamelon,
Elle n’a pour aspect qu’un oblique vallon
Qui se creuse un moment comme un lac de verdure,
Pour donner au verger espace et nourriture ;
Puis, reprenant sa pente et s’y rétrécissant,
De ravins en ravins avec les monts descend.
Les troncs noirs des noyers, un pan de roche grise,
L’herbe de mon verger, les murs nus de l’église,
Le cimetière avec ses sillons et ses croix,
Et puis un peu de ciel, c’est tout ce que je vois.


Mais combien aux regards du peintre et du poëte,
En vie, en mouvement, la nature rachète
Ce qu’elle a refusé d’espace à l’horizon !
Une cascade tombe au pied de la maison,
Et le long d’une roche, en nappe blanche et fine,
Y joue avec le vent, dont un souffle l’incline ;
Y joue avec le jour, dont le rayon changeant
Semble s’y dérouler dans ses réseaux d’argent,
Et par des rocs aigus, dans sa chute brisée,
Aux feuilles du jardin se suspend en rosée.
Légère, elle n’a pas ce bruit tonnant et sourd
Qu’en se précipitant roule un torrent plus lourd ;
Elle n’a qu’une plainte intermittente et douce,
Selon qu’elle rencontre ou la pierre ou la mousse,
Que le vent faible ou fort la fouette à ses parois,
Lui prête ou lui retire ou lui rend plus de voix ;