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sixième époque.

Oh ! de l’humanité ces hommes sont la voix ;
Les mots harmonieux s’ordonnent à leur choix
Comme au signe de Dieu s’ordonnent ses ouvrages,
Et vibrent en musique ou brillent en images ;
Leurs vers ont des échos cachés dans notre cœur ;
Ils versent aux soucis cette molle langueur,
Cet opium divin que, dans sa soif d’extase,
Le rêveur Orient puise en vain dans son vase :
Mais eux, l’ange des vers leur apporte aux autels,
Pour s’enivrer de Dieu, des rêves immortels !
Ils versent goutte à goutte en mon âme attendrie,
Comme un sommeil du ciel, leur tendre rêverie ;
Mon songe, enfant des leurs, les suit ; et quelquefois,
Comme une voix qui chante entraîne une autre voix,
Ma lèvre, s’abreuvant aux flots de leurs ivresses,
Se surprend à chanter avec eux ses tristesses.
Plus souvent, desséché par mon affliction,
Je trempe un peu ma lèvre à l’Imitation,
Livre obscur et sans nom, humble vase d’argile,
Mais rempli jusqu’au bord des sucs de l’Évangile,
Où la sagesse humaine et divine, à longs flots,
Dans le cœur altéré coulent en peu de mots ;
Où chaque âme, à sa soif, vient, se penche et s’abreuve
Des gouttes de sueur du Christ à son épreuve ;
Trouve, selon le temps, ou la peine ou l’effort,
Le lait de la mamelle ou le pain fort du fort ;
Et, sous la croix où l’homme ingrat le crucifie,
Dans les larmes du Christ boit sa philosophie !…
Ainsi lisant, priant, écrivant tour à tour,
Tantôt le cœur trop plein et débordant d’amour,
Tantôt frappant mon sein sans que l’onde en jaillisse,
Ne trouvant qu’une lie au fond de tout calice,
Puis regardant fumer ma lampe qui pâlit,
Puis tombant à genoux sur les bords de mon lit,