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introduction.

de la clameur obscure du journal ; et, après tout : Qui m’aime me suive ! Dieu et mon droit ! C’est Dieu qui mène le monde, enfin. Aussi c’était merveille de voir M. de Lamartine, de l’entendre parler, quand il s’élevait au milieu de ces orages : vous vous rappeliez tout d’un coup le forte virum quem de Virgile, et le conspexere, silent. En effet, l’orage se taisait ; les honnêtes bourgeois entassés dans cette Chambre, se sentant dominés par cette intelligence d’élite, n’osaient pas l’interrompre ; mais au contraire ils suivaient l’orateur, d’un regard timide et incertain, dans les magnifiques développements de sa pensée.

À ces hommes qui l’écoutaient malgré eux, se disant en eux-mêmes : Ce n’est qu’un poëte qui parle ! M. de Lamartine parlait de toutes choses, et dans un langage admirable ; il parlait de l’avenir de l’humanité tout comme il avait parlé des destinées de la poésie ; il parlait de l’Orient comme un homme qui revient de ces éclatantes contrées, et qui les a vues de l’âme et des yeux ; il parlait de la vieille royauté en homme qui l’a défendue, qui l’a aimée, qui l’a pleurée, qui l’a servie et qui voudrait la servir encore ; il parlait de la royauté nouvelle en bon citoyen, qui reconnaît volontiers les services qu’elle a rendus, et qui fait passer même avant ses affections l’ordre, le devoir, la règle, l’autorité et le bon sens ; enfin il parlait des peuples comme il en faut parler, sans en avoir peur, sans flatterie et sans haine, comme de grands enfants pour lesquels il faut tout prévoir. À ces belles paroles, prononcées d’une voix si nette et si ferme, et soutenues par ce vif et perçant regard, cette Chambre, composée en grande partie d’honnêtes gens entêtés de leur grandeur bourgeoise, tout fiers d’avoir réussi à acheter quelques arpents de terre, ne sachant rien au-dessus de la propriété foncière, et par conséquent peu disposés à comprendre, à accepter les grandes choses, se laissait dominer