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jocelyn.

Et tantôt, retirant dans le ciel sa clarté,
Nous laissait à tâtons percer l’obscurité ;
Et moi, pour accomplir mon cruel ministère,
Sous mon front mort et froid renfermant mon mystère,
J’essayais de chanter, dans un saignant effort,
Quelques notes des chants consacrés à la mort ;
Et ma voix chaque fois, dans mon sein repoussée,
Se brisait en tronquant l’antienne commencée ;
Et mes pleurs dans mes chants ravalés à grands flots,
Sortant avec mes cris, les changeaient en sanglots.
Ô chant de paix des morts que démentait mon âme,
Chœur funèbre chanté pendant l’horreur du drame,
Ah ! vous n’êtes jamais sorti des voix d’un chœur
En faisant éclater plus de fibres du cœur !
Et cependant, mon Dieu, faut-il que je l’avoue ?
Un éclair quelquefois souriait sur ma joue ;
Une amère douleur venait me soulager,
Comme un homme qui sent son fardeau plus léger.
Je me disais de l’âme, en m’excitant moi-même :
« Allons, je n’ai donc plus qu’à suivre ce que j’aime !
Plus rien derrière moi sur ce bord du tombeau !
Plus rien dans cet exil à regretter de beau !
Tout ce qu’aima mon œil a déserté la terre :
J’y suis encor, Seigneur, mais j’y suis solitaire ;
Et je n’ai plus ici qu’à m’asseoir un instant,
Et qu’à tendre les mains vers ces mains qu’on me tend. »

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De temps en temps, lassés de leur funèbre charge,
Les porteurs s’arrêtaient, et, sur la verte marge