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introduction.

Jocelyn, qui n’est cependant qu’un fragment mutilé du poëme de son âme. Oui certes, nous en étions à nous dire que cette immense pensée poétique qui embrasse la terre et le ciel, c’est-à-dire tous les faits, toutes les idées du monde, ne pouvait pas aller ainsi sans fin et sans cesse par fragments et par ébauches : un jour ou l’autre, le poëte, dans un de ces résumés magnifiques auxquels ces rares intelligences peuvent seules s’élever, donnerait enfin à son œuvre en masse la forme et la vie. Mais qui pouvait prévoir que ce résumé paraîtrait si tôt ?

Nous l’avons dit, et M. de Lamartine l’a souvent répété aux oreilles qui ne veulent pas entendre, Jocelyn n’est pas un poëme ; c’est tout simplement l’épisode d’un grand poëme dont la nature morale est le sujet, comme la nature physique fut le sujet du poëme de Lucrèce. Ceci est, à proprement dire, l’Iliade et l’Odyssée de l’âme humaine : on se met en marche au milieu des ténèbres peut-être, et on arrivera, Dieu sait où, Dieu sait quand. Mais écrire en vers l’histoire de la destinée de l’homme, c’est à la fois se souvenir du passé, contempler le présent, deviner l’avenir ; œuvre immense s’il en fut. Cette épopée intime, qui peut se passer de la fiction, peut se passer du drame, ou plutôt doit appeler à son aide tous les tons, tous les vœux, toutes les émotions du cœur.

De ce grand poëme souvent commencé, souvent repris, M. de Lamartine a détaché Jocelyn. Jocelyn, c’est l’histoire du curé de village, simple histoire des plus rares et des plus modestes vertus. L’auteur entre tout de suite en matière, comme un homme qui raconte depuis longtemps, et qui sait très-bien que ses lecteurs sont, depuis longtemps, au courant de sa pensée. Point d’invocation, point de préambule ! Nous nous connaissons trop bien les uns les autres, le