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notes.

fontaine sous des saules, et un sentier creux entre deux haies qui traversait des prés.

» Au bout de ces prés, une petite porte fermée par un verrou donnait accès dans un jardin potager entouré de murs tapissés d’espaliers. À l’extrémité de ce jardin, une maison basse et longue, avec une galerie extérieure dont le toit portait sur des piliers de bois ; une petite cour entourée d’un hangar, d’un four et d’un bûcher ; sur le mur d’appui de la galerie, deux beaux chiens couchés, et hurlant quand on ouvrait la porte ; quelques pots de réséda et de fleurs rares sur le palier, quelques poules dans la cour, quelques pigeons sur le toit. C’était le presbytère.

» Du côté opposé au jardin, la maison donnait sur le cimetière, vert comme un pré mal nivelé autour de l’église. Par-dessus le cimetière, le regard s’étendait par une échappée de vue sur des flancs de montagnes incultes entrecoupées de hauts châtaigniers. L’œil glissait ensuite obliquement sur une sombre et noire vallée qui se perdait, l’été, dans la vapeur chaude du soleil ; l’hiver, dans la fumée du brouillard ou des eaux. Le son de la cloche qui tintait aux trois parties du jour, aux baptêmes et aux sépultures, les pas des paysans revenant de l’ouvrage, les vagissements d’enfants qui pleuraient à midi et le soir pour appeler les mères attardées sur les portes des chaumières, étaient les seuls bruits qui pénétrassent du dehors dans cette maison. Au dedans on n’entendait que le petit tracas que faisaient la mère du curé et sa jeune nièce en épluchant les herbes pour la soupe, ou en étendant le linge sur la galerie.

» Bientôt je fus un hôte de plus de cette humble maison, un convive de plus à cette pauvre table. J’y descendais presque tous les soirs au soleil couchant. Quand j’avais quitté l’ombre des deux ou trois charmilles du jardin de Milly, sous l’abri desquelles j’avais passé la chaleur des jours du mois d’août ; quand j’avais fermé mes livres, caressé et pansé avec soin mon cheval, et étendu sous ses sabots luisants la fraîche litière de la nuit, je montais à pas lents la colline, je me glissais comme une ombre du soir de plus parmi les dernières ombres que les saules jetaient sur les prés. J’ouvrais la petite porte du jardin de la cure de B… Les chiens, qui me connaissaient, n’aboyaient plus. Ils semblaient m’attendre à heure fixe sur le seuil. Ils me flairaient avec des battements de queue, des frissons de poil et des bonds de joie. Ils couraient devant moi, comme pour avertir la maison de l’arrivée du jeune ami.

» Je trouvais ordinairement l’abbé D… occupé à émonder ses