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notes.

quelques paroles qui prédisaient très-distinctement la révolution qui devait éclater en France quelques années après. Lorsqu’il eut fini, sa couronne de lumière s’éclipsa, et, la force miraculeuse qui le soutenait venant à le lâcher, il tomba dans le précipice. Saisies de frayeur, les familles prièrent longtemps prosternées à la même place, puis elles allèrent à la recherche du corps du saint ermite ; mais il leur fut impossible d’en découvrir les moindres traces. Elles descendirent alors à la ville, et racontèrent le prodige dont elles venaient d’être témoins. Une procession s’organisa bientôt pour consacrer ce grand événement, et chaque année la foule se porta avec une grande dévotion vers la Pointe du Prophète, jusqu’à ce que la révolution prédite vint interrompre le cours de ce pieux pèlerinage. Voici la légende.

» En écoutant ce récit, nous avions fait insensiblement quelques pas. Lorsqu’il fut terminé : En voiture ! à cheval ! s’écrièrent nos compagnons. Je crus que je continuais à être victime de la même plaisanterie, car je ne voyais ni voiture ni chevaux ; lorsqu’en me retournant je m’aperçus que quelques pas avaient suffi pour changer complètement notre situation topographique : je me trouvai au milieu d’une grande route royale creusée au milieu du roc, et à deux pas de nous je vis nos chevaux et notre calèche qui nous attendaient patiemment.

» Notre course commençait admirablement ; le temps était superbe, la montée était lente et presque imperceptible ; le paysage nous offrait au loin, couchées le long de la montagne, et comme étagées les unes sur les autres, des plaines de vignes d’où parfois s’échappait la tête blanche d’un cerisier en fleur, ou la couronne rose d’un pêcher. Nous égayions la route par des épigrammes sur toutes les burlesques enseignes des cabarets disposés sur le chemin comme par étapes, ou même sur celles qui se contentaient de la formule habituelle : Ici on donne à boire et à manger. Sanglante ironie pour le malheureux qui chemine sans sou ni maille, et qui serait si bien disposé à profiter de l’obligeante hospitalité qui semble lui être offerte. Notre discoureur en chef, qui avait sa tête meublée de toutes les chroniques du pays, ne laissait passer aucun château, aucune masure, sans avoir quelque chose à nous apprendre sur leur compte. Devant nous, disait-il, ce roc coiffé d’un casque et qui semble nous regarder porte le nom de Tête-de-Minerve. On a cru que la déesse des arts et de la guerre, lorsqu’elle sortit tout armée du cerveau de son père Jupiter, trouva l’hospitalité dans une grotte de cette montagne, et que, reconnaissante, la déesse lui donna sa ressemblance. Plus loin, cette