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notes.

nous pressait ; nous nous hâtâmes de descendre par le même chemin qui nous avait amenés, c’est-à-dire que nous nous laissâmes glisser le long de la corde jusqu’au pied de la montagne, ce qui me sembla beaucoup plus facile que pour monter. Enfin nous reprîmes la route de Saint-Étienne de Crossey, où j’espérais me reposer de la fatigue que m’avait occasionnée cette longue course, dont je n’avais pas l’habitude. Mais mes compagnons n’en avaient pas décidé ainsi. Il me fallut encore gravir pendant un quart d’heure un coteau dans la partie haute du village. Là enfin, au pied d’un arbre bien touffu, je vis une table qu’on dressait, et sur laquelle on disposait dix couverts.

» — Nous t’avions bien dit, me cria-t-on, que nous déjeunerions au pied de l’arbre que tu pouvais à peine distinguer de l’église des Pénitents : eh bien ! cet arbre, le voici, et il ne tient qu’à toi de l’embrasser.

» — Si vous voulez parler plus juste, fis-je en m’attablant, dites donc, je vous prie : Que nous dînerions.

» Trois heures sonnaient au clocher de l’église de Saint-Étienne.


II


» En sortant de Grenoble par la porte Saint-Laurent, comme pour donner l’éveil à l’attention du touriste, et pour l’initier subitement aux magnificences du coup d’œil dont il va être le spectateur, on trouve une route large et commode, au pied de laquelle descend une haute montagne toute hérissée de bastions, de meurtrières et de forteresses, pendant que de l’autre côté s’étend une immense vallée, verte d’arbres et de prairies, qui semble prendre plaisir à suivre les contours et les sinuosités de la rivière, et puiser, en s’y baignant, une inaltérable fécondité. L’Isère est une rivière toute de caprice ; elle ne ressemble pas à la Saône, molle et paresseuse, qui a l’air de faire sa route comme une femme surprise et épuisée par la fatigue. Ce n’est pas non plus le Rhône impétueux et fier, qui hennit comme un coursier sous l’éperon ; encore moins la Seine inoffensive et dormante, et qui ne se réveille de son somme que lorsqu’une crue extraordinaire a tout à coup enflé ses eaux. Mais c’est tout cela tour à tour : ses flots, lents et sablonneux, à quelques lieues plus haut deviennent clairs et rapides, limpides comme du cristal, et fou-