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sacres, les fuites nocturnes, les refuges cherchés dans les antres, dans les forêts, chez les amis ; les ingratitudes, les lâchetés, les perfidies, les ventes des proscrits par ceux chez qui ils cherchaient l’hospitalité, le secret, le salut ; les victimes attirées aux piéges, marchandées, vendues, livrées par les délateurs au glaive des bourreaux d’Octave ; et il termine cette énumération de ces trois ou quatre mille assassinats par ce résumé, qu’on n’a pas assez lu quand on apprécie la nature humaine, non au cœur, mais à la condition sociale :

« Chose éternellement notable ! dit Velléius Paterculus : pendant ces proscriptions, la fidélité des mères et des femmes fut complète et sublime ; celle des affranchis, douteuse et médiocre ; celle des fils, nulle : beaucoup trahirent par cupidité leurs pères ; celle des esclaves domestiques, admirable et presque générale ! »

Ainsi fut-il pendant les proscriptions françaises de 1793 et 1794. Sur dix proscrits, neuf furent cachés par les dévouements domestiques : la famille fut sauvée par les serviteurs. L’humanité devrait un monument éternel à la domesticité : et le cœur des familles, des enfants, des vieillards, que ne lui doit-il pas ? Et la politique elle-même, que ne lui devrait-elle pas, si elle savait considérer le domestique à sa vraie place dans la civilisation ?

Aussi, pendant le peu de jours que j’ai passés au pouvoir, quand il a été question, dans les conseils du gouvernement, de donner ou de retirer le droit électoral aux domestiques, j’ai été bien loin à leur égard d’imiter le stupide rigorisme de la Convention, qui excluait du droit de citoyen et de suffrage les individus en état de domesticité ; législation brutale et aveugle, qui refaisait des esclaves là où la