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CHAPITRE III.

LXIV

— Je ne sais pas autre chose de la famille, continua la tante. Que voulez-vous, monsieur ? personne de nous ne sait ni lire ni écrire ; qui est-ce qui nous l’apprendrait ? Il n’y a ni maître ni école, à cette distance des villages, sous les châtaigniers ; les oiseaux ne le savent pas non plus, et cependant voyez comme ils s’aiment, comme ils font leur nid, comme ils couvent leurs œufs, comme ils nourrissent leurs petits.

— Et comme ils chantent donc ! ajouta Fior d’Aliza en entendant deux rossignols qui luttaient de musique nocturne au fond du ravin, près de l’eau.

— Mon père, reprit l’aïeule, fit ce que faisait son père ; il cultiva un peu plus large de terre noire entre ces rochers. C’est son père qui avait planté quelques ceps de vigne sur la pente en pierres au midi, et qui avait enlacé les sarments aux treize muriers qui nourrissaient ses vers à soie de leurs feuilles ; c’est son fils, mon frère et son fils que voilà, dit-elle en montrant du geste le vieil infirme, qui défricha en vingt ans et qui sema le champ de maïs dont les grappes d’or, comme des oranges sur le quai de Pise, brillent maintenant pour d’autres que pour nous sous les vertes lisières du bois de lauriers.