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FIOR D’ALIZA.

en traître, et qui avaient répandu un sang plus pur que celui d’Abel !

Le chevreau qu’elle portait encore, la tête renversée sur son épaule, expira sur ses genoux en entrant dans la maison. Hyeronimo arracha avec ses dents les six gros grains de plomb qui étaient entrés sous sa peau, aussi tendre qu’une seconde écorce de châtaigne ; sa mère lava les filets de sang qui en sortaient et pensa ses bras avec des feuilles de larges mauves bleues, retenues sur la blessure avec des étoupes fines.

Hyeronimo arrêta le sang que perdait Zampogna en entourant l’os de sa pauvre jambe coupée d’une terre glaise, et en retenant cette terre humide autour de l’os nu avec une bande arrachée de sa manche de chemise. Vous voyez que la pauvre petite bête est bien guérie, monsieur, dit l’aveugle en m’indiquant de la main le petit chien, aussi alerte que s’il avait eu ses quatre jambes, et, une fois guéri, il m’a conduit tout aussi bien dans les plus mauvais pas avec ses trois pattes qu’avec quatre.

Un boiteux, monsieur, ajouta-t-il en souriant et en caressant de la main la soie de Zampogna, n’est-ce pas assez pour un aveugle ?

Cependant je vis une larme mouiller ses yeux sans regard, en caressant son ami estropié, le pauvre Zampogna.