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CHAPITRE V.

pas, puisque nous étions aussi innocents que ces deux gouttes de lait qui se fondent en une seule goutte en tombant du bout de mes deux seins sur les lèvres de ce petit innocent que voila ?

L’image dont cette naïve jeune mère ne soupçonnait pas même la candeur, ne fit sourire ni l’aveugle, ni la vieille tante, ni moi ; tout était pureté dans cette bouche pure, vierge d’âme, quoique avec son fruit d’innocence sur son sein.

CXXV

— Aussi, vous le savez bien, mon père, et vous, ma tante, nous n’avions jamais deux volontés, lui et moi. Quand il me disait : Allons ici ou là, j’allais ; quand je l’appelais, il venait partout où j’avais fantaisie d’aller moi-même ; nous ne savions jamais qui est-ce qui avait pensé le premier, mais nous pensions toujours la même chose  : à la source, pour puiser l’eau de la maison ; sur les branches, pour battre les châtaignes ; aux noisetiers, pour remplir lui sa chemise, moi mon corset de noisettes vertes ; au maïs, pour sarcler les cannes ou cueillir les grains jaunis par l’été ; à la vigne, aux figuiers, pour couper les grappes ou pour sécher les figues mures ; à l’étable, pour traire les chèvres, pendant qu’il les tenait par les cornes ; dans le ravin, où il y a l’écho de la grotte, pour nous apprendre à